Collège de GYNECOLOGIE

 

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"HOMMAGE aux FEMMES d'AFRIQUE" par Dr Paul BENOS

 

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Femmes du Sahel et d’Afrique

La réalité cachée par l’image

 

Il serait bien illusoire de faire en quelques lignes un portrait fidèle des femmes d’Afrique tant leur diversité est grande. Chacun les voit avec ses propres yeux : un pagne coloré habillant un corps long et mince, un enfant dans le dos soutenu par un habile montage, une jarre ou une calebasse sur le sommet du crâne ou un corps penché en avant , des bras frêles mais vigoureux pilant inlassablement le mil devant une cabane en banco sans fenêtre et au toit de paille incertain ; et que dire de la beauté de ces visages savamment maquillés , les cheveux tressés avec dextérité et patience ,des bijoux éclatants ornant le cou et les oreilles : voilà pour les représentations, les photographies, les images et les statuettes de bois ou de bronze achetées sur les marchés, dans les souks parfois insalubres des villages et des capitales africaines ou dans les brocantes plus ou moins huppées des pays du Nord.

Mais c’est d’un autre oeil que je les ai vues et appris à les connaître, celui d’un médecin témoin au-delà de leur apparente beauté, de leur souffrance, des inégalités auxquelles elles sont soumises tout autant que de leur admirable énergie au coeur de familles souvent précaires mise au service d’un quotidien répétitif et pourtant indispensable à la survie.

De quelles souffrances est-il question ici ? C’est très tôt que celles-ci commencent, pouvant, comble de l’indécence, prendre l’air trompeur d’une fête. L’ablation totale ou partielle des organes génitaux externes, mutilation sexuelle pratiquée le plus souvent sur des fillettes âgées de quatre à quatorze ans et malgré les lois d’interdiction des pays qui les concernent, restent encore aujourd’hui extrêmement repandues. Si les complications immédiates de l’excision étaient bien connues (infection grave, tétanos) et les conséquences sexuelles déniées, ce n’est qu’en 2010 que la première publication internationale étudiant son impact désastreux sur ses conséquences à l’accouchement a été publié dans la prestigieuse revue le Lancet. Les causes de cette calamité sont nombreuses et complexes : des associations militantes de femmes africaines s’évertuent avec courage à faire disparaitre ce fléau de ce qu’elles appellent « les femmes assises sur le couteau » : ce combat sera long.

Plus tard, les voilà enceintes, mariées souvent très jeunes, et exposées lors de leur grossesse et surtout de leur accouchement à de redoutables complications : « une femme qui accouche a un pied dans ce monde et un pied dans l’autre » dit un proverbe bambara. Le taux de mortalité maternelle reste un indicateur majeur du niveau sanitaire d’un pays ; chaque année, 350 000 femmes meurent de leur grossesse ou au cours de leur accouchement et plus de soixante-dix pour cent d’entre elles sont africaines ! Les causes médicales en sont bien connues et pratiquement tous ces décès seraient évitables avec des soins appropriés. Mais l’absence de recours aux soins, la parité, l’analphabétisme, la polygamie, l’absence de planification familiale et d’espacement des naissances sont les marqueurs et les déterminants socioculturels tenaces de ces catastrophes obstétricales. Et que dire aussi des fistules obstétricales, calamités induites par des accouchements mal conduits, excluant les femmes de toute vie maritale et sociale : l’Afrique occidentale de par ses déserts médicaux recenserait à elle seule près de 50 000 « fistuleuses » chaque année.

Et que dire, dans les régions de conflits si violents en zone sahélienne, du viol des femmes devenu si banal et utilisé comme « arme de guerre » ? Que dire des grossesses adolescentes de ces fillettes mariées si jeunes, exposées plus que toutes autres aux complications obstétricales ? Que dire de la prévalence du VIH/Sida aujourd’hui fortement supérieure à celle des hommes en Afrique stigmatisant les femmes malades comme responsables de sa propagation ? Il serait injuste de prétendre que la communauté internationale n’a pas pris la mesure de ces faits graves et d’oublier que les législations des pays concernés ont oeuvré à en diminuer l’impact.

La santé des femmes constituait un des dix objectifs du millénaire pour le développement (OMD) : des progrès sensibles ont été réalisés mais de répartition très inégale selon les pays, le continent africain restant encore loin des objectifs qu’il s’était fixés. Avez-vous déjà traversé ces villages de la zone sahélienne ? Que voit-on ? Pendant que les hommes palabrent, les femmes s’activent, un enfant porté dans les dos, près d’un feu de cuisson, à la recherche de bois, d’eau, plantent des arbres pour faire reculer le désert et vendent sur les marchés leur maigres récoltes au rythme des saisons, la sécheresse souvent endémique compliquant un quotidien harassant.

« Ce n’est pas par la loi que l’on change les coutumes » disait Montesquieu…alors de fait l’injustice persiste, suscitant l’indignation. Les anthropologues nous aident à en comprendre le sens et le pourquoi mais par un ethnocentrisme exacerbé, le risque de cette vision « culturaliste » est de croire que la situation est figée ; au contraire, là peuvent se trouver aussi les racines de l’engagement de nombre de femmes, organisées en associations multiples, militantes et exigeantes, riches de leur diversité.

Dans un dossier de février 2015 intitulé « Afrique : les nouvelles héroïnes » le journal Le Point citait en exemple de ce continent qui bouge Hawa Abdi , première gynécologue somalienne encore nommée « Docteur Courage », Germaine Acogny, danseuse beninoise qui a fait rêver Bejart, Fatou Bensouda, magistrate gambienne luttant contre la corruption ou Mariam Dao Gabala instigatrice ivoirienne des microcrédits . Si l’on y ajoute cette constatation du PNUD que l’éducation et la scolarisation des filles et jeunes filles est en nette augmentation dans les pays d’Afrique, il y a matière à espérer et dire plus que jamais que « la femme est l’avenir de l’Afrique »